À Sylvie Le Moigne, née Suzanne, (1941-2022) qui fut ma Bretagne, ma France, mon inspiratrice, mon Amour.
Vide, je suis vide, seul dans cette maison de Trôo tant aimée. J’attends le temps. Non, ce n’est pas vide, plutôt neutre, ou quelque chose comme les plombs ont sauté, il faut se déplacer à l’aveugle. Mais je connais tous les recoins, je les respire et les tâte sans reconnaître leur profil. Ils sont là sans y être à moins que ce ne soit moi qui pose question à tout ce qui m’entoure qui ne me reconnaît pas. Étranger. Peut-être suis en train de redevenir juif, cerné de partout par des groupes anonymes,
Sans la protection de ma française si limpide, sans celle qui toujours s’interposa entre la haine et moi et qui me fit vouer un culte au pays capable de concevoir un tel joyau. À travers ses yeux bleus celtes, si proches de la mer, j’accostais sur une île, l’île de Sein, deux seins dans ma main et le reste de ses rivages où chaque nuit j’arrimais ma barque et trouvais mon refuge, mon port, mon abri contre la mort.
Elle a levé l’ancre, elle est partie. Au petit matin, j’allonge mon bras pour ne trouver qu’un drap.
Louis Le Moigne
« Louis Le Moigne (1908-1944) père de Suzanne, torturé à mort par la Gestapo, fut un résistant héroïque. Sa fille lui ressemblait. Elle avait 3 ans à sa mort. »